Témoignage.
Je connaissais Anne Gaillard de réputation étant un auditeur attentif de ses émisssions radio. Elle m’énervait souvent par sa mauvaise foi flagrante mais j’avais du respect sur ses combats contre l’injustice, contre les idées reçues, contre l’exclusion et pour la défense des consommateurs. J’abordais mes nouvelles fonctions avec enthousiasme et confiance. L’administrateur de la direction de l’information, Louis Le Blanc, avec qui j’étais en connivence, ayant en plus les mêmes idées politiques, me fit mon premier contrat et un an plus tard me titularisera à Fr3. Je travaillais énormément sacrifiant souvent mes heures familiales au profit de toutes ces productions de documentaires et d’émissions en directes pour le magazine «Vendredi».
Concurrence entre les rédacteurs
Anne, contrairement à son image, était souvent perdue et interrogative sur sa vie personnelle et professionnelle. Nous étions les 3 mousquetaires (Jean-Claude, Pierre et moi) à croire à la Reine et à la défendre sur les sujets qu’elle voulait traiter. Au sein de la rédaction du magazine, les deux rédacteurs en chef, Anne et André Campana se livraient à une concurrence désastreuse sur le traitement de leurs documentaires.
Soirées parisiennes
Dès qu’un documentaire était prêt à être diffusé, Anne invitait le tout-Paris chez elle, sur ses terrasses de la Montagne Ste Geneviève, où se cotoyaient des hommes politiques (Yann Gaillard, son mari, ex-directeur de cabinet de E. Faure et R. Boullin, inspecteur général des finances) et le monde de l’audiovisuel : les Mourousi, Anne Sinclair, Y. Levaï, C. Ockrent, A. Campana, JC Heberlé, Y. Bourges etc.. et un certain Laurent Ruquier qui faisait des ronds de jambe à Anne et à tous celles et ceux qui écoutaient ses premiers jeux de mots...
Des docs dérangeants
Anne a été la première journaliste à traiter de faits de société qui, à l’époque pouvaient irriter, déranger, voire susciter la polémique, ce qu’elle aimait. Entre autres :
Les transexuels (sujet tabou en 1984), le scandale des Miss, les agences matrimoniales, tortures en famille, compartiments divorcés.
Madame sans-gène
Dans ce dernier documentaire, je me souviens avoir loué un wagon entier à la Sncf entre Paris et Bordeaux et ensuite entre Paris et Lyon pour tourner des couples en instance de divorce ou divorcés. Le principe étant de les mettre dans un lieu où ils ne pouvaient s’échapper et trois équipes de tournage suivaient Anne à la trace qui les interrogeait sur leurs ressentis tout au long des parcours. Des kilomètres de pellicules (on tournait en film), des mois de montage ! . Quelques jours avant la diffusion, un des protagonistes ayant vu la photo de son ex femme dans Télé 7 jours demande à voir le film. Branle bas de combat, Anne accepte, mais me demande d’organiser cette projection en catimini le soir dans les locaux de Télé-Europe, où nous montions, en me précisant de mettre une équipe pour tourner les réactions de cet homme face au film. La caméra devant être cachée. Il était 16h, et elle avait convoqué son interlocuteur à 21h... Je mettais en place, non sans difficulté, le dispositif. L’homme arriva accompagné de ses deux filles et on tourna les réactions d’émotions, de pleurs et d’incompréhension de cet homme face aux déclarations de son ex. Anne jubilait de son «coup», et il fallut remonter le film à la dernière minute avant la diffusion pour inclure cette séquence...